English version follows French.
Auteur et traducteur: Habib Siam - Photographie: Tron - Art: Tracy Siam - Musique: Sandhill
Je ne savais pas trop quoi penser de Tron les quelques premières fois qu’ou on s’est rencontré. Les grands de taille peuvent être distants. Je le sais par expérience, mais mon gars avait une propension pour les mots plutôt éparse. Il omettait parfois les salutations verbales en faveur d’un hochement de la tête, ou d’un clignement des yeux momentané pour signaler son accord. Je n’arrivais pas à déterminer si Tron était réservé ou un peu antisocial, mais peu importe. Il prenait de méchantes photos, et le reste, j’étais prêt à le tolérer. Plus tard, quand j’ai appris que le photographe faisait partie de Mook Life, un collectif local d’artistes lâchement assemblé, ça façon d’être me semblait plus logique. Ces gars-là sont… un tout petit peu différents, et c’est probablement pour ça que les mooks sont parmi mes personnes préférées dans cette ville. De Pro-V et Buddha Blaze, à Stantroitsky et CeasRock, ces Montréalais un peu décalés ont une vision unique, une entente décentrée du monde, qui est en même temps distinctive et rafraichissante. Tron n’en pas une exception.
« Mon vrai nom est un peu trop banal », rigole le natif du coté Ouest en expliquant les origines de son pseudonyme. Son surnom dérive d’une ligne célèbre de FUBAR, un documentaire canadien de Michel Dowse. « Tron funkin blows », tag un des protagonistes sur l’asphalte. Il se peut aussi qu’il y ait une connexion au film Disney où Jeff Bridges se retrouve piégé dans un jeu vidéo. Au fil des années, l’homme responsable pour la palette visuelle de C’mon Feet a développé une longue liste de variations. On a Tronald MacDonald, « parce que j’aime vraiment les cheeseburgers, après tout », Harry Tronick Junior, Genghis Tron, et le douteux Tron Madden ‘96. Il y a quelques suggestions qu’il a du refuser poliment – parmi celles-ci sont Eltron John et Elton Tron. « C’est un peu parti dans tous les sens », se marre-t-il. « Plus ou moin, tu dis Tron et tout le monde… bon, pas tout le monde, je ne suis pas Kanye mais… tu sais, les gens savent de qui tu parles ».
Les noms d’emprunts sont espiègles, un coté de la personnalité de Tron qui a fait de chacun de nos shoots une expérience mémorable. Quand je l’interroge sur son approche de la documentation de quartiers et des gens qui y habitent, je commence à mieux comprendre comment des identités multiples peuvent être utiles dans des environnements différents. « Il s’agit vraiment (…) de descendre au niveau de la rue », Tron élabore sur ce qui est fondamentalement une philosophie d’anthropologue. « L’essentiel est de se fondre dans la société autour de soi ». C’est pour ça que Tron s’embarque sur ses expéditions photo avec son appareil camera, un objectif qu’il surnomme le G-Unit, et une paire de baskets confortable. Sans carte et sans assortiment d’équipement, ou quoique ce soit qui indiquerai qu’il vient d’ailleurs. Le comportement des gens change quand ils aperçoivent un regard d’étranger. Cette conscience de soi rend difficile de capturer ce que Tron appelle des moments distinctifs, des évènements naturels et aléatoires.
Tron shoot littéralement de la hanche, pour emprunter une expression américaine. Un viseur devient presque obsolète quand on utilise le même objectif fixe depuis plus de 3 ans. Cerveau et vision reconditionnés, Tron voit pratiquement tout dans ce format 50 mm, sans zoom. La caméra est une extension de son corps, un membre en prime qu’il manipule avec dextérité et une subtilité extrême. Il y avait des fois où j’étais debout, à coté de lui, ignorant le fait qu’il prenait des photos. Mais ça c’est Tron, toujours prêt à saisir le moment et jamais trop concerné par les imperfections mineures. « Prendre des photos : parfois il s’agit de plus que la qualité de la photo ou du cadrage. C’est vraiment plutôt ce moment figé et sa représentation », dit-il, en distinguant entre l’acte de prendre une photo et le processus organisé d’en faire une. Le coté plus introspectif du photographe continue de lutter avec un problème qui concerne tout travail artistique : « Tu peux pas saisir la vie. Personne n’a réussi à la faire. »
I didn’t know what to make of Tron the first few times we met. Tall people can be aloof. I know this from experience, but my man’s proclivity for words was fairly sparse. Sometimes, he’d nix verbal greetings in favor of a nod, maybe a momentary blink of acknowledgement. I couldn’t tell if Tron was reserved or a little anti-social, but it didn’t matter much. He had a mean lens-game, and anything else, I’d gladly put up with. When I later learned the photographer was part of Mook Life, a loosely knit local artist collective, his demeanor made more sense. Those dudes are… just a little different, which is likely why some my favorite people in this city are Mooks. From Pro-V and Buddha Blaze, to Stantroitsky and CeasRock, these off-kilter Montrealers have a unique vision, a decentered view of the world, which is both distinctive and refreshing. Tron is no different.
“My real name is a bit too basic,” the West Side’s native son jokes as he explains the origins of his moniker. The nickname draws on a famous line in Michael Dowse’s Canadian documentary FUBAR. “Tron funkin blows,” one of the protagonists spray paints on asphalt. There also may or may not be a connection to the Disney flick where Jeff Bridges gets stuck in a video game. Over the years, the man behind C’mon Feet’s visual palette has developed a long list of variations. We have Tronald MacDonald, “because I do in fact love cheeseburgers,” Tronald Trump, Harry Tronick Junior, Genghis Tron, and the shaky Tron Madden ‘96. Some suggestions he’s politely turned down – Eltron John and Elton Tron are two such examples. “It’s kind of gone all over the place,” he chuckles. “More or less, you’ll say Tron and everyone… well, not everyone, I’m not Kanye, but… you know, people know who you’re talking about.”
The aliases are playful, a side of Tron’s personality that made memorable experiences out of every shoot. As I ask about his approach to documenting neighborhoods and the people in them, I begin to get a sense of how multiple personas might be useful for different environments. “It’s really about (…) getting down to the street level,” Tron describes what is essentially an anthropological philosophy. “The real essence is blending in with society that’s around you.” This is why Tron embarks on his photo expeditions with a camera, a single lens he calls the G-Unit, and a comfortable pair of sneakers. No maps and no assortment of equipment, or anything else that screams outsider. People’s behavior changes when they’re aware of a foreign gaze. This self-consciousness makes it impossible to capture what Tron refers to as distinctive moments, natural and very random occurrences.
Tron literally shoots from the hip. A viewfinder is almost obsolete when you’ve been using the same fixed lens for over 3 years. Brain and vision reconditioned, Tron sees practically everything in that zoomless, 50 mm format. The camera is an extension of his body, a bonus limb he manipulates with dexterity and utmost subtlety. There were times I was standing next to him, unaware he was snapping away. That’s Tron though, always ready to shoot and never too worried about minor imperfections. “Capturing photos sometimes is not about the quality of the photo or the frame. It’s very much about that moment in time and the representation,” he says, distinguishing the act of taking a photo from the staged process of making one. The more introspective side of the photographer continues to grapple with an issue that concerns most artistry: “You can’t capture real life. No one’s figured it out.”