Auteur: Habib Siam - Traduction: Nancy Siam - Photographie: Tron - Art: Tracy Siam - Musique: Sandhill

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Abu Dhabi du milieu des années 90 était un endroit tranquille où grandir. Le sport était le principal passe-temps ainsi que trainer dans le parking de Burger King, baptisé par les locaux Westside Khartoum parce que les ados qui y squattaient étaient des Soudanais habillés comme 2Pac. Eldorado, le premier cinéma de la ville, a ouvert ses portes en 1994, avec Keanu Reeves et Dennis Hopper dans Speed : le seul film à l’affiche pendant deux bons mois. Un soir, pendant qu’un groupe d’entre nous attendait le film, le frère de mon amie Yasmine passe avec un des ses camarades que je n’avais jamais rencontré. « C’est Yassin », dit-elle, en me donnant un petit coup de coude et me montrant du doigt un ado à la chevelure frisée, la jambe cassée, clopinant sur des béquilles. « Vous devriez passer du temps ensemble. Je pense que vous vous entendrez bien ».

Nous voilà, Yassin Alsalman et moi, vingt-et-un ans plus tard, dans un placard étroit dans son appartement Montréalais. L’homme, que la plupart connaissent sous le nom de « The Narcicyst », est debout sur un tabouret, une boite de sneakers dans chaque main. Il est à la recherche d’une paire de Pewter Jordan 1 qu’il veut nous montrer pour le shoot et me demande de garder un œil sur Shams - soleil en arabe - son bébé de 22 mois. Le petit bonhomme est vautré sur le tapis dans le séjour.  Il est lancé dans une bataille avec un sac plastique à zip fermé contenant une paire d’adidas Jeremy Scott. Les noirs avec les gorilles. « Shamoussy », je balance sur un ton joueur. Il lève la tête. Nos regards se croisent. « Addou », il déclare et répète, après une petite pause. Je ne sais pas ce qu’il essaye de dire, mais il est déterminé à s’emparer du jouet poilu à travers le plastique. « Je les ai acheté pour lui », explique Yassin en attrapant les sneakers que son fils ronge maintenant. « Je me suis dit que je les mettrai le jour de son anniversaire quand il sera un peu plus grand. Pour le rendre dingue. » Si la musique de Wu-Tang est pour les générations futures, la musique de Yassin et son art sont pour Shams – et d’autres enfants à travers Shams.

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Professeur en média et études culturelles à l’université de Concordia, le natif de Basra compare la salle de classe et la scène. « Enseigner, c’est totalement différent », dit-il, en parlant du processus créatif pour créer un programme scolaire. « Les thèmes principaux de mon cours sont le lieu, l’espace et la vitesse à laquelle la culture traverse l’espace». Yassin utilise le hip-hop, la musique et les films pour soulever les problèmes sociaux et politiques plus globaux qui forgent l’expérience des déplacés internationaux, de ceux en dispora. « Pas qu’on soit esclave», affirme Narcy en comparant les liens raciaux des afro-américains à la perception dominante des arabes. « Mais on est en quelque sorte des esclaves de la guerre. (…) Notre culture est devenue une énorme consommatrice de la guerre… du côté du receveur. »

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La frustration grandissante de l’artiste par rapport à la représentation des médias de la culture arabe a récemment poussé le jeune homme de 32 ans à fonder une collectivité d’artiste : We Are The Medium. « Nous ne contrôlons plus comment les gens perçoivent notre histoire », explique-t-il. « [The Medium] n’est qu’un effort concerté pour promouvoir notre production, pour promouvoir la présence de notre production, mais aussi pour réfléchir de façon critique à ce qu’on présente au monde. » Derrière cet échange autour de l’art et l’international, se cache une conversation sur les sneakers. Yassin se souvient de convoiter les Playoff Jordan 8 d’un ami, d’avoir eu la version originale des Concord 11 et de jouer au basket en Wallabees. « Les sneakers, c’était ce qu’il y avait de plus important », regrette-t-il en expliquant l’évolution de sa relation avec les chaussures.  « Tu dis ça tous les ans », je l’interromps brièvement, « j’en ai fini avec les sneakers ». Yassin souris. « Je n’en ai pas acheté depuis un moment. Je suis plus dans la B.D que les sneakers. » Quelques jours plus tard, je reçois un texto. « Je viens de choper les nouvelles Y-3 mec ! ». Qu’on l’assume ou non, un amoureux des sneakers, c’est à vie. 

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Mid-90s Abu Dhabi was a fairly uneventful place to grow up. Sports were a dominant pastime, as was loitering in the Burger King parking lot – a place the locals called Westside Khartoum because most of the teens who hung out there were Sudanese and dressed like 2Pac. Eldorado cinema, the city’s first movie theater, opened for business in 1994, with Keanu Reeves and Dennis Hopper’s Speed as the only picture on the bill for a good two months. A group of us were waiting on show time one night when my friend Yasmin’s brother walked by with a classmate of his I had never met. “That’s Yassin,” she nudged, pointing to a frizzy haired, broken footed adolescent on crutches. “You two should hang out. I think you’d get along.”      

Twenty-one years later, Yassin Alsalman and I are in a cramped storage closet in his Montreal apartment. The man most know as “The Narcicyst” is standing on a stool, balancing sneaker boxes in both hands. He’s digging for a pair of Pewter Jordan 1s to show us for the shoot, and asks me to keep an eye on Shams, his 22-month-old toddler. The little man, whose name is Arabic for sun, is sprawled on the living room carpet. He is waging battle on a zip-locked bag holding a pair of Jeremy Scott adidas. The black ones with the gorillas on them. “Shammousy,” I blurt playfully. He looks up. We lock eyes. “Addou,” he asserts, and repeats after a slight pause. I have no clue what he means, but he is determined to get through the plastic to the furry play thing inside. “I bought these for him,” Yassin explains, reaching for the sneakers his son is now gnawing at. “I figured I’d rock them on his birthday when he gets a bit older. Have him wig out over them.” If Wu-Tang is for the babies, Yassin’s music and artistry are for Shams – and other children through Shams.

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A professor of media and cultural studies at Concordia University, the Basra native compares the class to the stage. “Teaching is totally different,” he says, speaking on the creative process of designing syllabi. “The main themes of my class are space, place and race… not race as in skin tone but (…) the speed at which culture travels in.” Yassin uses Hip Hop, music, and film to address broader social and political issues that shape the experiences of the globally displaced, of those in diaspora. “[It’s] not that we’re slaves,” Narcy reflects, comparing African-American race relations to the dominant perception of Arabs. “But we’re sort of like war slaves. (…) Our culture has become a massive consumer of war… on the receiving end.”

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The artist’s growing frustration with mainstream media’s representations of Arab culture recently compelled the 32 year old to form an artist collective called We Are The Medium. “We don’t control how people perceive our history anymore,” he explains. “[The Medium] is just a concerted effort to elevate our output, to elevate the presence of our output, but also to think critically about what we’re presenting to the world.” Nestled in this exchange about arts and internationality, is a conversation about sneakers. Yassin recalls coveting a friend’s Playoff Jordan 8s, owning the original Concord 11s, and hooping in Wallabees. “Kicks used to be everything,” he laments, explaining his evolving relationship with footwear. “I hear you say this every year,” I interject momentarily: “I’m done with sneakers.” Yassin smiles. “I haven’t bought [any] in a while though. (…) I’m more into comic books than kicks.” Just a few days later, I get a text. “Just scooped the new Y-3s son!” Whether we cop to it or not, true sneaker lovers are lifers. 

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